Le pays se soumet à l'écho de la rue avec une dose étouffante de marches

Publié le par LE JOURNAL DE L'OPPOSITION BENINOISE - H ET F

Nos populations assument cette métamorphose qui fait d'elles des remue-ménage ambulants. Les pieds démangent et une espèce de bougeotte affiche dans la rue les symptômes de la maladie de la marche. La politique assure la contagion. Marche à plusieurs variantes : soutien, remerciement.... La rue est sollicitée à un rythme enivrant.
"Il est une réalité, écrit Claude Imbert, que tous les somnifères, toutes les défausses de la campagne ne peuvent dissimuler" ; le folklore des marcheurs n'a pu en effet affaiblir une évidence qui se dresse devant les amateurs de chimères : le Bénin est souffrant malgré le miroir de l'émergence brandi pour emballer tout un peuple et l'encombrer de rêves. Le Bénin maladif est victime de l'absence, voire de la disette de débats autour de la gestion de la République. Le Bénin est malade de la dégradation inquiétante de son économie et la trésorerie plaintive réclame du souffle. Alors que les populations redoutent une perfusion financière de l'Etat, comme en de tristes moments de notre histoire, la récréation des producteurs de marches se prolonge paradoxalement.
Les lamentations des entrepreneurs résonnent sur des chantiers abandonnés faute de décompte, l'Etat étant trop fragilisé par les soucis aigus de trésorerie. A Dantokpa, nos braves femmes assommées par une mévente obstinée sont réduites à verser des larmes à longueur de journée, mais comme recette, on leur propose des marches. La Nation n'a pas encore cessé de s'effondrer dans le noir du délestage et la voilà sollicitée en permanence pour animer la rue. L'Etat en mal de réformes se réconforte dans des réformettes et fait balader les marcheurs dans nos rues. La gouvernance par les marches, un théâtre pour l'histoire, un cinoche sans attraction, mais on se réchauffe au soleil pour embrouiller les cartes. Le budget du défoulement dans les rues pour des soutiens baroques et factices achève le gâchis. Comment continuer à mettre les marches au service de la politique dans un Etat frappé de déprime et affecté par de réels soucis financiers ? La Nation a plutôt soif de la vérité et de la pédagogie de développement que de la propagande et de l'endoctrinement dans la rue.
La solution de déferlement payant de la foule pour masquer les problèmes de la République, s'assimile à un aveu d'impuissance de nos politiciens accrochés au sommet de l'Etat. Ces marches inventées de toutes pièces pour associer les semblants aux artifices et glisser dans les atermoiements, enfoncent de manière rampante le pays dans le gouffre. J'espère que le changement n'a pas déjà versé dans le machiavélisme avec le " gouverner, c'est faire croire " où le pouvoir se nourrit exclusivement de propagande dans le style cher au Prince de Florence, " la fin justifie les moyens ". Les ficelles de la démagogie tirées sans modération par des partisans forcenés et cette manipulation des masses à coup d'argent apparaissent ruineuses pour la République.
Mais le printemps des marches laisse pousser toutes les déviances et d'inimaginables stupidités. Les rogatons jetés aux marcheurs nécessiteux et l'exploitation de la misère aux fins de faire gronder la rue choquent le sens commun. Il n'est pas exclu que la marche soit, dans le cas d'espèce, drôlement placée au cÅ"ur du dispositif pour l'émergence. C'est peut être l'une des innovations de l'idéologie du changement en vogue. La politique de la rue : l'essentiel est de marcher.La fatalité s'occupera du reste.

Sulpice O. Gbaguidi

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